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 1 - Nova

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Nova Iseal
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Nova Iseal
Messages : 20
Date d'inscription : 05/03/2019

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MessageSujet: 1 - Nova   1 - Nova Icon_minitimeDim 21 Mai - 23:32

Chapitre 1
NOVA ISEAL
« La fille du tigre »


Dans le vent frais qui s’infiltra par la fenêtre entrouverte, la princesse ressentit comme un murmure lointain. Un souffle d’angoisse exhalé à son oreille dans un secret qui la dépassait. Les yeux figés sur le miroir de sa coiffeuse, fixant un point inexistant, le corps tendu. Dans son dos, une jeune servante démêlait ses longues boucles de blé. Mèche par mèche, elle soulevait la chevelure pour la brosser, le geste précis et expert. Bien qu’encore jeune et novice dans son métier, Sionna y avait trouvé sa voie. Souvent, elle complimentait Nova sur sa crinière : jamais elle n’en avait vue de si domptable, lui arrachant des sourires d’embarras. Tandis que la camériste coiffait encore les mèches blondes, défaisant avec minutie chaque nœud, la jeune fleur ne bronchait pas, le regard perdu et trouble.

Au travers du reflet du miroir, son regard alla se perdre sur l’horizon, si clair depuis les hauteurs de sa chambre. Talumen, capitale de Nokrov, s’entourait de la mer. De ses appartements, il ne lui était pas donné d’apercevoir l’immensité azure, mais l’odeur iodée et le cri des mouettes valaient plus que ce morne paysage. Elle lui préférait nettement la vision des deux collines voisines à celle du Palais Blanc, offertes aux Déesses et aux temples. Celui de Lux, à la blancheur éblouissante, reflétait les puissants rayons du soleil. Bien trop proche, son noir jumeau attirait de plus sombres oiseaux. Selon les légendes plus vieilles que le monde, ce furent les Sides elles-mêmes qui érigèrent ces collines, des millénaires plus tôt. Et du haut de leurs temples, celui de blanc ou celui de noir, elles veillaient sur le peuple mortel.

Sur le troisième coteau qui formait Talumen se tenait le Palais Blanc, demeure centenaire de la famille royale. De blanc, il n’avait bien que le nom, car l’Histoire le racontait taché de sang. Après tout, c’était par ce moyen que les Iseal s’en étaient emparés, vingt ans plus tôt. Délogeant leurs prédécesseurs pour unifier les régions de Nokrov sous une seule bannière, celle du tigre.

Nova avait toujours trouvé tout cela trop grand. Comme un rêve insaisissable, l’histoire de la prise de pouvoir de ses aînés l’avait toujours fascinée. Qu’aurait-elle été à cette époque pas si lointaine ? Un chaton parmi les tigres, rien de plus. Une pauvre bête ronronnante parmi les rugissants. Elle était bien loin de son monarque de père, plus encore de son conquérant de grand-père. Qu’était-elle ? Elle régnerait un jour. L’idée la terrifiait.

Cela faisaient des jours qu’elle était rongée d’angoisse, son sommeil plein de troubles, les prêtres de Nox lui faisaient boire camomille et tilleul chaque soir pour l’aider à dormir. Mais rien n’y faisait : son anxiété, en monstre sournois, se faisait ravageuse. Elle se sentait profondément houleuse, éprouvant comme la sensation d’une pierre dans son estomac. Et au creux de sa gorge, un goût âpre lui rappelait constamment sa nausée. Elle était princesse, elle était héritière, elle était l’incarnation du tigre – Iseal était son nom. Pourquoi, par l’Abîme, était-elle si faible ? Elle se mordit la lèvre.

Sionna se pencha sur elle, du souci dans ses grands yeux. Derrière sa tignasse rousse, elle avait l’allure d’un renardeau. À travers le miroir, la servante ourla ses lèvres, dévoilant la dent manquant à son sourire.

— Tout va bien, princesse ?

Nova n’était pas sa mère. Elle ne savait mentir, et peinant à assumer ses stupides craintes, elle préféra se taire que de répondre – entre écorcher un mensonge, accepter une vérité ridicule ou bien se plonger dans le mutisme, elle préférait cette dernière solution.

— Dites-moi c’qui vous trouble, Altesse.

La princesse faillit sourire, par pure tendresse, au son de la voix délicate de Sionna. Dotée de l’accent de Valens, assez doux et percé du jargon de la plèbe, la jeune camériste était réputée pour sa gentillesse. Pas pour son intellect. Était-elle ignorante au point de n’avoir rien entendu quant aux angoisses de Nova ? Tout le palais devait pourtant se gausser d’elle.

Pourquoi se sentait-elle nerveuse ? Quels affres pouvaient si aisément perturber la confortable vie d’une princesse héritière ? Elle se mordit la langue. Des raisons idiotes, de pures sottises, qui lui causaient en sus une honte terrible. Du haut de ses quatorze ans, Nova n’avait jamais eu de suivante, et cela changerait très bientôt : ce n’était même plus une question d’heures. Chaque minute qui s’égrenait la rapprochait de cette rencontre qu’elle redoutait tant. Car la noble dame venait de loin pour se mettre à son service, qu’elle était plus âgée qu’elle de quatre années et qu’on ne savait rien de sa maisonnée. Maîtres d’une île vassale du royaume de Nokrov à l’extrême sud-est, les Asinis s’entouraient de mystère : ils ne quittaient que trop rarement l’île des Carmines, en refusaient l’entrée aux étrangers et n’avaient pas même d’ambassadeur à la cour.

À la cour de Talumen, il était devenu coutumier de se moquer d’eux. Couards, cuistres, et tant d’autres mots si vilains que Nova n’osait s’en rappeler… Tous les noms d’oiseaux avaient dû y passer pour dépeindre ceux qui, selon les fidèles au roi, se pensaient trop hauts pour lui. Les Carmines étaient devenues une blague récurrente au Palais Blanc, tant et si bien qu’à l’occasion des douze ans de la princesse, une pièce de théâtre les parodiant s’était jouée. Elle fut bien surprise, et foncièrement outragée, par un tel déversement de haine. Au final, que faisaient-ils de mal ? Ils ne prenaient simplement pas part aux longues sessions de léchage de bottes du souverain…

Elle fronça légèrement les sourcils. Était-ce ainsi que fonctionnait le monde ? Les vassaux vivaient dans l’indépendance, ignorant jusqu’aux lois énoncées par celui qu’ils appelaient roi. À quoi bon être souverain d’une terre si celle-ci était tant fragmentée ? Elle se le demandait souvent et redoutait d’autant plus le jour où l’on ceindrait son front de la couronne. Oh, comme elle craignait ce jour – en cauchemardait parfois.

Dans toute sa nervosité qui s’amplifiait, hurlant en tempête dans sa poitrine, Nova crut un instant que sa cage thoracique avait rétréci. Elle crispa sa main alors que l’air paraissait lui manquer.

— Princesse ? la rappela doucement Sionna.
— Pardonnez-moi, j’étais perdue… peu importe. L’arrivée de dame Sibille m’inquiète quelque peu. L’on dit d’elle qu’elle est d’une beauté incroyable. À dire vrai, le peu que j’ai entendu d’elle n’était que des éloges, des paroles percées d’une évidente jalousie.

Un sourire nerveux la défigura d’une torsion disgracieuse de ses lippes. Un furtif regard à son reflet encore enfantin dans le miroir, et elle baissa les yeux. Fuyant cette laideur puérile qu’elle se trouvait.

— Princesse Nova… Qu’est-c’que vous auriez à envier à qui qu’ce soit ? Vous êtes ravissante, intelligente, et un jour, vous s’rez reine. Ce sont les aut’ filles qui devraient être jalouses. Peu importe c’qu’est la dame Asinis, vous êtes bien plus.

Nova osa un timide coup d’œil à Sionna, à travers son reflet. Et si elle craignit de voir la moquerie à son visage, il n’en était rien : rien qu’une infinie tendresse. De toutes les servantes du palais, elle avait ses faveurs, étant parvenue à toucher son cœur sans peine. Les yeux de l’enfant s’illuminèrent d’espoir.

— Le pensez-vous ? demanda-t-elle du bout des lèvres.
— J’vous le jure devant les Sides.

Elles échangèrent un sourire par le miroir avant que Sionna ne lui indique qu’il était temps pour elle de se vêtir. Dans un regain d’énergie et de confiance, la princesse se leva d’un bond enthousiaste et trottina à son armoire. Elle suggéra que porter les couleurs de la Couronne enverrait un message fort, à Sibille Asinis comme aux autres membres de la cour. Sa toilette cousue d’or et d’argent, parée de l’emblème familial, rugirait pour elle : je suis Nova Iseal, héritière de Nokrov, fière fille du tigre. Car si de ses lèvres ne s’échappaient jamais que des miaulements, elle ferait tenir un tout autre discours à son apparence.

2e partie :


Ouvrant les battants de l’armoire pour en dénicher le plus beau trésor, il lui fallut quelques minutes pour trouver la toilette parfaite. Elle était comme elle l’avait imaginée, le brocart de grande qualité, aux entrelacs flavescents et cousue d’orgueil. Le décolleté plongeant, encadré de bandes blanches, se terminait par un tigre au creux des seins. Une pure joie éclata aux lèvres de Nova.

— Elle est parfaite !, s’enthousiasma-t-elle.

Sionna vint à elle pour l’aider à retirer sa robe de chambre puis passer le corset, suivi de la complexe toilette. Elle noua ensuite les liens dans son dos, prenant soin de bien les serrer pour recentrer la poitrine de la princesse. Celle-ci osa un œil vers le miroir – sa taille paraissait marquée et ses petits seins remontés lui donnaient l’allure d’une femme accomplie. Ses sourcils se froncèrent légèrement et un sourire rogue mordit ses lippes. Ainsi, elle incarnait la reine en devenir qu’elle était. Elle ne pouvait laisser sa timidité étouffer sa gloire.

Pour parachever sa tenue, la camériste ouvrit une boîte à bijoux et lui présenta une fine chaîne d’argent au bout de laquelle pendaient trois petits diamants jaunes. Nova acquiesça d’un hochement de tête et le bijou, discret et raffiné, fut attaché à son cou. Les trois pierres précieuses tombèrent juste sous sa gorge, au-dessus de la naissance de ses seins, venant souligner le décolleté. Puis Nova n’eut qu’à passer la chevalière familiale à son annulaire, puis ses escarpins argent. Un nouveau regard au miroir. Elle sourit. Elle se sentait belle, non, mieux – elle se sentait femme.

— Me voilà fin prête, souffla-t-elle.
— Il manque un détail, Altesse.

Sionna lui présenta l’ultime symbole de la royauté et ceignit son front de la couronne princière. Simple bandeau d’or, des lierres d’argent pur s’enroulaient autour de lui. Un diadème tout en simplicité mais qui pesait pourtant lourd sur son crâne. Nova tâcha de ne rien laisser paraître : elle força un nouveau sourire à ses lèvres et elles quittèrent la chambre.

Devant la porte, les bras croisés contre sa poitrine, Maistal les attendait. En la voyant, la princesse ne put s’interdire de blêmir. La vieille servante, camériste en chef de sa royale mère, compensait en sévérité la beauté qui lui faisait défaut. D’un pas assuré, l’aïeule s’approcha et inspecta de son œil rapace l’héritière au trône. Elle maugréa quelque chose d’inaudible à l’égard de Sionna et, soulevant d’un doigt la couronne pour la redresser, elle tourna sur la jeune servante un regard impitoyable.

— Sionna, combien de fois devrai-je vous le dire ? La couronne se doit d’être droite, vous l’inclinez à chaque fois vers l’arrière du crâne. Voulez-vous envoyer le symbole d’un pouvoir branlant ?

Elle postillonna à chaque mot et, sans attendre de réponse de l’inexpérimentée rousse, elle ordonna à Nova d’avancer, d’une impulsion dans le dos. À ce même moment, les cloches du port sonnèrent, d’un tintement grave annonçant un navire allié. Le cœur du tigreau se pressa. L’âpreté dans sa gorge revint, accompagnée de la nausée. Et dans sa poitrine naquit un ouragan.

Sans se soucier de ses états d’âme, Maistal la mena à travers les couloirs et les escaliers jusqu’au dernier étage où se trouvait la salle du trône. Il était important que, pour rencontrer sa nouvelle dame d’atour, elle sorte de celle-ci : un moyen simple d’appuyer sa position de puissance par rapport à celle qui serait à son service. Lorsqu’elle entra dans la salle des rois, comme à chaque fois, elle s’y sentit trop petite. Son cœur s’affola dans sa poitrine mais elle tâcha de garder le visage fermé. Dans le hall, il y avait comme toujours des courtisans pleins d’espoir : ils désiraient voir le roi pour obtenir de lui une faveur, ne serait-ce qu’un mot. Leurs étoffes toutes de richesse faites offraient fièrement leurs couleurs et blasons, ne permettant pas de les confondre avec quiconque.

Nova remonta la salle du trône, passa sous les ogives finement sculptées vingt ans plus tôt. À leur prise de pouvoir, les Iseal avaient intégralement fait refaire cette pièce pour imposer aux regards leur évidente souveraineté. Une immense fresque décorait l’arrière de la salle, contant la prise de pouvoir des tigres sur les buses. Le symbole de la foi de Lumendra, cercle bicolore au cœur écarlate, décorait le sol de marbre, mêlant le blanc, le noir et le rouge avec une application toute particulière. Et au fond de la pièce, le trône tout d’or recouvert surplombait les mortels.

Elle baissa un peu la tête, intimidée par tout ce faste, cette gloire qu’elle ne savait toucher du bout des doigts. Mais s’accrocha avec espoir au regard de son père, qui dressé à côté de son trône, l’attendait en compagnie de sa garde rapprochée. Kreivis n’était plus le fier conquérant d’antan. Rattrapé par l’âge et simplement par la vie, le marbre de son visage s’était émacié, ses muscles atrophiés et ses articulations grignotées par l’arthrose lui interdisaient de se tenir trop droit. Dans ses yeux sombres cernés de ridules, la flamme guerrière s’était tue pour n’être plus qu’un pauvre crépitement. Triste constat, le souverain faisait bien plus que ses cinquante ans.

Nova s’avança à travers les courtisans, la tête rentrée dans les épaules. Elle n’aimait pas tous ces gens, ne les connaissait pas, elle qui était si peu habituée des jeux de pouvoir. Heureusement, Kreivis la rassura d’un sourire.

— Tu es radieuse, la complimenta-t-il.

Elle redressa les épaules, leva son menton. Du coin de l’œil, elle apercevait sa mère qui la fixait, attendant un faux pas de sa part. Elle ne lui offrirait pas ce plaisir.

— Merci, père.

Si sa voix se voulut assurée, elle ne fut qu’un miaulement ridicule. Il n’en fallut pas plus à la reine sa mère : elle fondit sur elle, la mine sévère. Karona était tout ce que Nova n’était pas, femme forte et dressée au pouvoir, trop intelligente pour sa condition. Originaire des terres de Valens, territoire de la Couronne, elle était issue de l’une des plus puissantes maisons nobles de la région. Élevée pour un jour prétendre au titre de reine, lorsque l’occasion s’était présentée, son père avait trahi son roi pour aider Kreivis à s’emparer du trône.

Et si Karona était une femme taillée dans l’orgueil et que sa naissance la rendait fière, bien consciente du sang des traîtres coulant dans ses veines, elle n’évoquait jamais cet événement. D’un geste autoritaire, elle saisit Nova au menton seulement pour la forcer à lever la tête.

— Nova, tu l’héritière de la maison Iseal. L’héritière du trône, lui rappela-t-elle le ton dur.

Puis plongeant dans ses yeux, elle reprit, plus bas.

— La fille destinée de Lux.

Le murmure fut reçu en coup de massue par la jeune fille. Elle joignit ses mains devant elle et commença à triturer ses doigts nerveusement, se mordit la lèvre avant d’oser enfin répondre.

— Je le sais, mère.
— Comporte-toi comme tel. Je ne serai pas toujours là pour te protéger, et ton père non plus.

Karona se baissa un peu vers elle, caressant ses joues encore rondes de l’enfance, pour mieux observer la beauté qui fleurissait en elle, prête à éclore. Entre les doigts de sa mère, et même lorsque celle-ci se montrait tendre, Nova ne savait démêler le vrai du faux. La reine lui mentait-elle dans sa délicatesse ? N’était-ce qu’une ruse pour mieux planter ses griffes dans sa chair ? Elle frémit entre ses mains.

— Les tigres sont pourvus de griffes et de crocs acérés, ne l’oublie pas. Tu es une Iseal, Nova.

La jeune fille se raccrocha à ces mots. Oui, elle était un tigre. Elle était Iseal. Elle pouvait le faire. Elle serra ses poings avec détermination et hocha la tête. Puis eut un sourire assuré. Elle se tourna vers les grandes portes de la salle du trône, celles la séparant du monde extérieur et de ses moult dangers. Petite, elle eut une camériste qui la bordait le soir ; mais ses histoires lui glaçaient le sang et la mettaient incessamment en garde contre Nokrov. Elle en fit tant de terreurs nocturnes que la vieille dame fut rapidement renvoyée du Palais Blanc.

La princesse se détacha de sa mère et s’avança lentement. Dans ses oreilles et son crâne, un bourdonnement sourd résonnait. Bientôt, elle n’entendit plus que le claquement de ses pas contre le carrelage. Et la tempête dans sa poitrine.

La porte grinça. Elle descendit les escaliers, suivie de près par ses parents et les gardes. Au bas des marches, les portes du palais furent ouvertes en grand, la lumière l’aveugla un instant. Elle y était si peu habituée, ne l’apercevant jamais qu’au travers des vitres du palais, le feuillage des arbres des jardins ou encore les toits semi-couverts du patio royal. Nova ne fuyait pas le jour et le soleil, mais bien le danger qui rôdait dehors. Du monde, elle était la proie : elle, héritière au trône, bénie des déesses par sa naissance. Elle était la fille promise, l’enfant des monarques aimés des Sides. Mais aussi l’avenir de ce monde. L’Élue de Lux.

— Sa Majesté, le roi Kreivis Iseal, Protecteur de Nokrov et Sire de Talumen. Son épouse, la reine Karona Iseal. Leur fille unique et héritière au trône, Son Altesse la princesse Nova Iseal.

Au bas des marches, dans la cour d’honneur, cinq dames richement parées attendaient tandis que la famille royale était présentée par le héraut. Nova observa ces femmes aux tenues bien étranges, qui se tenaient bras abaissés et mains jointes en signe de respect pour les tigres. Les yeux noisette de la jeune fille s’agitèrent, fouillant les visages à la recherche de Sibille.

Puis celle-ci s’avança, la tête haute. Nova crispa ses doigts. Ses longs cheveux châtains, finement tressés, portaient un léger capuchon de toile blanche qui laissait dépasser quelques mèches auxquelles pendaient des perles grises le long de ses tempes. Au travers du voile sur sa tête, le soleil flattait sa chevelure, dévoilant des nuances auburn. La dame avait le regard clair, d’un bleu givré, et ses lèvres fines s’étiraient d’un mince sourire. Elle ploya tout d’abord le genou face à Kreivis, inclinant bas la tête. Il tendit sa main baguée des armoiries royales et elle embrassa avec respect la chevalière avant de relever son regard vers son roi.

— Votre Majesté, je vous remercie de votre accueil. Mon père, lord Anemos, vous adresse ses salutations les plus respectueuses.

Le regard de Kreivis s’embrasa d’une lueur orgueilleuse. Les Asinis avaient offusqué la Couronne par leur vie marginale, ne se mêlant nullement aux affaires de Nokrov. S’ils n’avaient jamais rejeté l’autorité de la maison Iseal, ils s’étaient faits remarquer en renvoyant les ambassadeurs missionnés par le roi. Bien décidé à préserver la paix que son règne avait amené sur le continent, celui-ci avait accepté Sibille à la cour dans une dernière tentative de diplomatie. Que les seigneurs des Carmines rentrent dans le rang, c’était leur dernière chance.

— Voilà bien longtemps qu’il n’y a plus eu d’Asinis à la cour. Vous vous êtes faits bien discrets, ces dernières années.

Dans la voix de Kreivis sonnaient de sombres reproches. L’embarras gagna Nova et rougit ses joues. Elle osa un regard vers Sibille, dont les yeux assurés parurent se voiler. Avait-elle peur ? Le pouvait-elle ? Cela surprit la princesse. Le roi n’attendit pas de réponse et se détourna de la jeune femme pour la laisser saluer Karona. D’un geste, celle-ci intima à la fille des Carmines de se relever et la jaugea froidement, ne lui offrant pas un mot.

Puis Sibille s’avança enfin vers elle. Nova se figea et se mordit l’intérieur des joues tout en forçant son regard à rester droit. Pour sa famille, pour son rang, pour la Couronne elles-même, elle devait rester digne. La dame face à elle s’inclina en une révérence parfaitement maîtrisée.

— Votre Altesse, je suis ravie d’enfin faire votre connaissance.

Nova cligna des yeux. Les rumeurs n’avaient pas menti au sujet de Sibille et elle s’en trouvait déjà profondément intimidée. Pourtant, elle puisa dans toutes ses maigres forces pour répondre avec l’aplomb d’une reine.

— Dame Sibille, le plaisir est partagé.
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